Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 mars 2015, n° 14/02236

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 26 mars 2015, n° 14/02236
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/02236
Sur renvoi de : Cour de cassation, 25 novembre 2013, N° 360

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

4e chambre A

ARRÊT SUR RENVOI DE LA COUR DE CASSATION

DU 26 MARS 2015

N° 2015/151

Rôle N° 14/02236

J X

XXX

C/

BD BA BB Z

L AN G

P Q

Grosse délivrée

le :

à :

Me ROUSSEAU

SCP TOLLINCHI

SCP COHEN

Sur saisine de la cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 26 novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 1398F-D lequel a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt n° 360 rendu le 27 septembre 2011 par la 4e chambre section B de la cour d’appel d’Aix-en-Provence à l’encontre d’un jugement rendu le 6 octobre 2010 par le tribunal de grande instance de Draguignan.

DEMANDERESSES SUR RENVOI ET APPELANTES

Madame J X

née le XXX à XXX

demeurant XXX

XXX

dont le siège est XXX

XXX

représentées par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocat au barreau d’Aix-en-Provence

assistées par Me Ségolène TULOUP, avocat au barreau de Toulon, plaidant

DÉFENDEURS SUR RENVOI ET INTIMÉS

Monsieur N BA BB Z

né le XXX à XXX

demeurant XXX

Monsieur L AN G

né le XXX à XXX

XXX – 13100 Aix-en-Provence

représentés par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d’Aix-en-Provence

assistés par Me Bernard HAWADIER de la SELARL HAWADIER, avocat au barreau de Draguignan, plaidant

Monsieur P Q

membre de la SCP PERES et Q

XXX

représenté la SCP COHEN/GUEDJ/MONTERO/DAVAL GUEDJ par avocats au barreau d’Aix-en-Provence

assisté par Me N LOUSTAUNAU de la SCP LOUSTAUNAU FORNO, avocat au barreau de Draguignan, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 février 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame Odile Mallet, présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Odile MALLET, président

Madame Hélène GIAMI, conseiller

Madame Muriel VASSAIL, vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 mars 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 mars 2015,

Signé par Madame Odile MALLET, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur N Z est propriétaire des parcelles cadastrées commune de Vidauban, lieu-dit 'Einesi', section XXX et 245 et de 1/10 de la parcelle XXX

Monsieur L G est propriétaire de la parcelle BR 80 et des 9/10 de la parcelle XXX

Madame J X épouse XXX sont propriétaires des parcelles XXX et XXX, 78 et 79.

Par acte des 5 juin 2007 et 11 août 2008 Monsieur Z et Monsieur G ont assigné Madame X et la SCI Helyan aux fins de les voir condamner à supprimer tous les ouvrages qu’elles ont édifiés sur leur parcelle BR 75 et supprimer des vues en soutenant que la parcelle BR 75 est un patecq sur lequel ils bénéficient tous trois de droits identiques.

Madame X a appelé en garantie Maître P A, le notaire ayant rédigé l’acte d’acquisition de son bien immobilier.

Par jugement du 6 octobre 2010 le tribunal de grande instance de Draguignan a :

déclaré Messieurs Z et G recevables en leur action, et Maître A recevable en ses demandes,

dit que la parcelle BR 75 constitue un patecq commun et indivis aux propriétaires des parcelles XXX, XXX), 77, 78, 79 et 80,

condamné Madame X, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à supprimer les aménagements et ouvrages qu’elle y a installés ( en précisant les ouvrages et aménagements à supprimer),

dit que Madame X ne dispose d’aucun droit de stationnement sur la parcelle BR 75,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

débouté les parties de leurs autres demandes,

condamné Madame X et la SCI Helyan aux entiers dépens.

Par arrêt du 27 septembre 2011 la 4e chambre B de cette cour a :

déclaré l’appel interjeté par Madame X et la SCI Helyan recevable mais mal fondé,

débouté Messieurs Z et G de leur appel incident,

confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

condamné la SCI Helyan et Madame X à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile 3.000 € à Monsieur Z, 3.000 € à Monsieur G et 3.000 € à Monsieur A,

condamné in solidum les appelantes aux entiers dépens.

Par arrêt du 26 novembre 2013 la troisième chambre civile de la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt du 27 septembre 2011 et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel d’Aix en Provence autrement composée au motif

qu’en statuant ainsi sans rechercher, comme il le lui était demandé, si par l’acte de partage des 23 et 28 janvier 1981, il n’avait pas été mis fin au régime de l’indivision perpétuelle et forcée avec l’accord unanime des précédents propriétaires, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Madame X et la SCI Helyan ont saisi la cour de renvoi le 31 janvier 2014.

A l’audience, avant le déroulement des débats, à la demande de Messieurs Z et G et avec l’accord des parties adverses, l’ordonnance de clôture rendue le 5 février 2015 a été révoquée et la procédure à nouveau clôturée.

POSITION DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions déposées le 30 janvier 2015 Madame X et la SCI Helyan demandent à la cour au visa des articles 6, 9, 31 et 122 du code de procédure civile, 1315 et 1382 du code civil :

d’infirmer le jugement,

de dire et juger l’action des consorts Z-G irrecevable en ce qu’elle tend à contredire l’étendue des droits immobiliers de Madame X et de la SCI Helyan à défaut de justification de la publication régulière de l’assignation,

de dire et juger que Monsieur Z ne tient aucun droit au patecq en vertu de son titre du 18 janvier 2002 et que Monsieur G n’en tenait pas non plus avant la rectification de son titre à laquelle il a fait procéder par acte du 21 mars 2006 et dire que ni cet acte rectificatif, ni l’acte de cession de droits indivis à concurrence de 1/10 ne sont de nature à diminuer les droits acquis antérieurement par Madame X,

de dire que le titre de Madame X établit qu’elle a acquis régulièrement des droits indivis sur une parcelle à usage de patecq cadastrée G XXX, et dire qu’il ne résulte pas de cette mention qu’elle n’aurait acquis qu’une partie des droits indivis,

de dire qu’il résulte de l’acte de partage dressé les 23 et 28 janvier 1981 qu’à cette occasion toutes les parties ont consenti à l’abandon de leurs droits sur la parcelle litigieuse et à leur attribution à Madame C,

de dire que déjà en 1923 l’ensemble des droits au patecq étaient réunis en une seule main, qu’en conséquence ni Monsieur Z, ni Monsieur G ne peuvent se prévaloir d’un droit résiduel au patecq, et que leur action est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir,

de dire que Messieurs Z et G n’ont aucun droit ni sur le patecq cadastré BR 75, ni sur la parcelle XXX,

d’ordonner la publication de la décision à intervenir à la conservation des hypothèques,

de dire et juger que Maître A a commis une faute engageant sa responsabilité envers Madame X en ne l’informant pas suffisamment avant son acquisition de la nature juridique spécifique du patecq et de ses sujétions, qu’il a manqué à son devoir de conseil, que de ce fait Madame X n’a pas pu anticiper les difficultés auxquelles elle s’est heurtée,

subsidiairement, si la cour estimait l’action des consorts Z et G recevable:

dire que Madame X n’a commis aucune faute en aménageant le patecq, qu’elle n’a commis aucun préjudice à Messieurs Z et G,

confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Messieurs Z et G de leurs demandes fondées sur les articles 678 et 680 du code civil,

condamner Maître A à les relever et garantir de l’ensemble des condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées à leur encontre, le condamner à payer à Madame X la somme de 1.719.053,20 € et celle de 751.211,32 € à la SCI Helyan avec intérêts au taux légal à compter du 11 août 1998 avec capitalisation des intérêts,

en tout état de cause,

condamner in solidum Messieurs Z et G à leur payer la somme de 50.000 € en réparation de leur préjudice moral,

leur donner acte de ce qu’elles se réservent le droit de saisir ultérieurement la juridiction compétente aux fins d’indemnisation du préjudice matériel et financier résultant pour elles de l’exécution forcée à la requête de Messieurs Z et G des décisions des 16 novembre 2010 et 27 septembre 2011,

de condamner Maître A à leur payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant du défaut de conseil,

de condamner in solidum tout succombant aux entiers dépens et à leur payer une somme de 30.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures déposées le 5 février 2015 Messieurs Z et G demandent à la cour :

de confirmer le jugement,

de faire droit à leur appel incident et dire et juger que Madame X et la SCI Helyan devront supprimer les vues créées sur la parcelle XXX à partir de la parcelle BR 288 consistant en l’aménagement d’une terrasse dans la toiture de la construction,

de condamner Madame X à payer à chacun d’eux une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

de condamner Madame X aux entiers dépens,

de dire, dans l’hypothèse où à défaut de règlement des condamnations prononcées par le 'jugement’ à intervenir que l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier les sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportées par le débiteur en sus de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 septembre 2014 Monsieur A demande à la cour :

de confirmer le jugement en ce qu’il l’a mis hors de cause,

de débouter les appelantes des demandes directes qu’elles forment à l’endroit de Maître A par application de l’article 564 du code de procédure civile,

de les débouter de leur demande de relevé et garantie et des fins subsidiaires de leurs conclusions,

de condamner les appelantes aux entiers dépens et à lui payer une somme de 8.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIF DE LA DÉCISION

* sur la recevabilité des demandes

Les demandes ne tendant pas à faire prononcer la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité, Madame X et la SCI Helyan ne sont pas fondées à plaider l’irrecevabilité des demandes formées par Messieurs Z et G au motif qu’ils n’ont pas publié leur assignation au bureau des hypothèques.

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit à agir, tel le défaut de qualité.

Madame X et la SCI Helyan demandent à la cour de constater que Messieurs Z et G ne rapportent pas la preuve qu’ils détiennent des droits sur le patecq litigieux et, en conséquence, de les déclarer irrecevables en leur action faute d’intérêt et de qualité à agir. Or, le litige opposant les parties réside précisément dans la détermination des droits que chacune des parties est susceptible de détenir dans un patecq.

La recevabilité de l’action ne pouvant dépendre de son bien fondé, Madame X et la SCI Helyan seront déboutées de cette fin de non-recevoir qui n’en est pas précisément une puisqu’elle nécessite un examen au fond du litige et le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action de Messieurs Z et G.

* sur l’existence d’un patecq

Un patecq est une institution de droit coutumier provençal reconnue par la jurisprudence et constitué par un espace à vocation originairement agricole dépendant de bâtiments à l’usage desquels il reste attaché, même après la division de ces derniers. Le patecq est soumis au régime de l’indivision forcée, de nature perpétuelle, nul ne pouvant y mettre un terme, par dérogation au régime de l’indivision classique, les droits au patecq ne se perdant pas, même par le non usage. Il est toutefois admis qu’il peut être mis fin au régime de l’indivision perpétuelle et forcée avec l’accord unanime de tous les indivisaires ou communistes.

Dans le cas présent la parcelle BR 75 se présente comme un enclos dans lequel se trouvent incluses les parcelles BR 78, 79, 288, 287 (propriété X et XXX, XXX (propriété Z et Sauteur) et BR 80 (propriété G) qui sont toutes bâties. Cette configuration correspond parfaitement à la définition d’un patecq puisque les bâtiments qui composent le hameau, et dont la majorité sont accolés entre eux, sont enclavés dans la parcelle BR 75. Sur le plan cadastral de 1834 la parcelle G n°414 ( ultérieurement XXX et actuellement BR 75) était dénommée 'Bastides des Débras', ce qui là encore correspond parfaitement à la notion de patecq dont la création résulte généralement de la transformation d’une ancienne bastide en hameau.

L’existence d’un patecq est attestée par des actes anciens mais également plus récents:

l’acte de liquidation et partage des biens dépendant de la succession de AT-AU AV du 24 août 1831 énonce que l’actif comprend un pré sur le devant de la basse bastide situé à Vidauban, quartier d’Einery confrontant du levant un sentier commun, du midi AA AB, du couchant le sentier de la bastide et du nord le patecq,

l’acte de donation-partage de AA AB et Justine Courdovan du 26 juin 1888 comprend dans son article 4, 3e lot attribué à AD AB, une maison de campagne avec écurie et grenier à foin situé à XXX, ensemble les droits d’usage ou la propriété et autres sur le patecq,

l’acte de donation-partage des biens de AW-AX AK du 20 janvier 1923 comprend un article 15 ainsi désigné : diverses autres parcelles reliées entre elles, même terroir et même quartier Einesi pouvant être désignées comme confrontant l’une qui comporte des bâtiments d’habitation, AK AW, BM BN, AB AD, un XXX et Mouriès, AK F, AB AD et la maison de ce dernier, soit un patecq commun entre eux. Cette parcelle est traversée par une carraire de six mètres de large,

une attestation notariée établie le 21 mai 1975 par Maître Couret au décès de Denise Y veuve E mentionnant en 22° qu’il dépend de la succession : les droits indivis sur une parcelle de terre à usage de patecq entre tous les habitants du hameau d’Einesi situé sur le territoire de la commune de Vidauban, le tout porté au cadastre sous la section XXX pour 29a 81 ca,

un acte de partage de la succession de AN E reçu par Maître Couret les 23 et 28 janvier 1981 mentionnant parmi les biens dépendant de l’actif successoral: commune de Vidauban (Var) lieu-dit Einesi les droits indivis sur une parcelle de terre à usage de patecq entre tous les habitants du hameau d’Einesi, le tout porté au cadastre rénové de la commune de Vidauban sous la section XXX pour une superficie de 29a 81ca,

l’acte du 15 janvier 1999 reçu par Maître A comprend, dans la désignation des biens vendus par Monsieur B et Madame H à Madame X : les droits indivis sur une parcelle de terre à usage de patecq entre tous les habitants du hameau d’Einesi, situé sur le territoire de la commune de Vidauban (Var), lieudit Einesi, le tout figurant au cadastré révisé section XXX.

Les documents cadastraux mentionnent également l’existence d’un patecq. En effet, à la matrice cadastrale des années 1836-1913 figure au nom de AD AB : 1/4 de la parcelle G 414 (devenue G 340 puis BR 75) en nature de patecq et hangar. Si le cadastre a temporairement attribué la parcelle BR 75 à Madame X, cette erreur a été rectifiée par le service des impôts lors de la mise à jour de l’année 2006 et ladite parcelle figure sur un relevé de propriété au nom des propriétaires indivis du patecq BR 75.

Madame X et la SCI Helyan ne contestent pas véritablement qu’il existe un patecq ainsi qu’en attestent les correspondances produites aux débats :

courrier de Madame X à Madame G du 10 mars 1999 : ' La bastide se trouvant sur la patecq'.,

courrier de Madame X à Madame G du 25 mai 1999 'La bastide se trouvant sur le patecq',

courriers de Madame X à Maître A des 7 décembre 1999 et 9 juin 2006 : 'Cet achat est un patecq. Il y a deux copropriétaires. Nous souhaitons faire une division en fonction des surfaces des uns et des autres, avec un géomètre et à nos frais. Nous nous heurtons à un refus du copropriétaire. Y a-t-il un droit qui nous permette, à nos frais, de faire cette division en toute légalité '', 'Je suis toujours dans l’embarras concernant le patecq'.

Il résulte ainsi de la configuration des lieux, des titres et du cadastre que la parcelle actuellement cadastrée BR 75 est un patecq qui existe depuis des temps immémoriaux.

* sur les droits de messieurs Z et G

Madame X et la SCI Helyan ne sauraient soutenir que Messieurs Z et G ne justifient d’aucun droit sur le patecq au motif que ni leur titre, ni celui de leurs auteurs n’y faisaient référence avant que ne soit dressé l’acte du 21 mars 2006 par lequel Maître AP-AQ a rectifié le titre de Monsieur G pour mentionner que ce dernier détient des droits sur le patecq dès lors que les droits au patecq sont attachés aux parcelles situées sur ledit patecq, qu’ils sont perpétuels et ne se perdent pas par le non usage.

Elles ne sauraient d’autant moins soutenir que la preuve de ce droit n’est pas rapportée alors qu’il résulte de l’étude de la chaîne des titres de propriété que Monsieur G est devenu propriétaire des parcelles XXX et BR 80 incluses dans le hameau de Einesi pour les avoir recueillies dans la succession de sa mère, AW-BI D veuve G. Cette dernière les avaient recueillies dans la succession de sa propre mère, AE AB veuve D qui les avait elle-même recueillies dans la succession de son père, AD AB. Ces parcelles appartenaient à AD AB en vertu d’un acte de donation-partage du 26 juin 1888. Aux termes de cet acte AD AB s’était vu attribuer le 3e lot comprenant l’article 4 ainsi défini : une maison de campagne avec écurie et grenier à foin située au quartier et bastide d’Einesy, ensemble des droits d’usage ou la propriété et autres sur le patecq.

Suivant acte reçu le 21 mars 2006 par Maître AP-AQ Monsieur G a vendu aux époux Z un dixième de droits indivis dans la parcelle XXX, de sorte que Monsieur Z bénéficie également des droits au patecq attachés à cette parcelle.

* sur la disparition du patecq

Madame X et la SCI Helyan soutiennent que lors du partage des 23 et 28 janvier 1981 tous les droits indivis au patecq ont été réunis entre les mains d’un de leurs auteurs, Madame E épouse C, ce qui a eu pour effet de mettre fin à l’indivision perpétuelle et forcée.

L’acte des 23 et 28 janvier 1981 a opéré partage des biens de AN E entre ses deux enfants, V E épouse C et T E. Il dépendait de la succession la parcelle G 344 ( actuellement XXX et 288, propriété de Madame X et de la SCI Helyan) et les droits indivis sur une parcelle de terre à usage de patecq entre tous les habitants du hameau d’Einesi , le tout étant porté au cadastre rénové de la commune de Vidauban sous la section G 340 (actuellement BR 75) pour 29a 81 ca.

Aux termes de l’acte des 23 et 28 janvier 1981 'Pour fournir à Madame C née E le montant de ses droits s’élevant en pleine propriété à la somme de 850.126,67 francs ses coportageants lui attribuent et abandonnent les biens immobiliers décrits à l’article 9e sur le territoire de la commune de Vidauban, lieu-dit Einesi'.

Il résulte de cette attribution que ce ne sont que les droits indivis sur le patecq attachés à la parcelle G344 (soit XXX et XXX qui se sont trouvés réunis entre les mains de Madame E, auteur de Madame X et de la SCI Helyan, ce qui laissaient subsister les droits indivis concurrents attachés aux autres parcelles composant le hameau, à savoir les parcelles alors cadastrées G 341 (BR 78), XXX, 343 (XXX), 345 (BR 80). Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort nullement de l’acte de partage de 1981 auquel n’était partie que les titulaires des droits indivis attachés à la parcelle G 344, que tous les communistes auraient à l’unanimité renoncé à leurs droits et mis fin à l’indivision forcée et perpétuelle.

Madame X et la SCI Helyan soutiennent encore qu’il se déduit de l’acte de donation-partage du 20 janvier 1923 que le patecq n’existait déjà plus à cette date.

Cet acte emporte donation-partage des biens de AW-AX AK veuve Y à ses deux enfants, César Y et Denise Y épouse E. Dans la désignation des biens à partager est mentionné en 15° :

'Diverses autres parcelles reliées entre elles, même terroir et même quartier d’Einesi pouvant être désignées comme confrontant l’une qui comporte des bâtiments d’habitation, AK AW, BM BN, Armand AD, un XXX, AK F, AB AD et la maison de ce dernier, soit un patecq commun entre eux. Cette parcelle est traversée par une carraire de six mètres de large.

L’autre parcelle, quoique reliée à la précédente, confronte AK F, le chemin neuf de Vidauban à la mine AB sur deux points et le chemin du quartier.

Par suite de la disposition des lieux, Messieurs F, AB AD, Mouriès Honoré se trouvent en plusieurs points comme enclavés dans les terres dont s’agit'.

De cette référence à un état d’enclave, Madame X et la SCI Helyan concluent qu’aucun tiers ne disposait d’un droit au patecq. Or, la première partie du descriptif de l’article 15° énonce sans ambiguïté qu’il existe un patecq commun entre plusieurs personnes, dont AD AB – ce qui est conforme à tous les autres actes- d’autre part l’état d’enclave évoqué concerne une autre parcelle, éloignée des bâtiments.

Enfin, Madame X et la SCI affirment mais ne rapportent nullement la preuve que AD AB, propriétaire d'1/4 indivis sur le patecq et auteur de Messieurs Z et G, aurait nécessairement cédé ses droits indivis aux auteurs de Madame E. Bien au contraire il résulte de la lecture même du titre de Madame E qu’il ne lui était attribué aux termes du partage de 1981, que des droits indivis sur une parcelle à usage de patecq entre tous les habitants du hameau.

En conséquence, faute par Madame X et la SCI Helyan de rapporter la preuve qui leur incombe, qu’il aurait été mis fin du consentement unanime de tous les communistes au patecq d’Einesi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit et jugé que la parcelle BR 75 constitue un patecq commun et indivis aux propriétaires des parcelles XXX, 288, 77, 78, 79 et 80.

* sur la propriété de la parcelle XXX

Madame X et la SCI Helyan seront déboutées de leur demande tendant à voir dire et juger que les intimés ne détiennent aucun droit sur la parcelle XXX alors qu’il résulte de l’examen de la chaîne des titres de propriété que Monsieur G est devenu propriétaire de cette parcelle pour l’avoir recueillie dans la succession de sa mère et que, suivant acte du 21 mars 2006, Monsieur G a vendu aux époux Z des droits indivis à concurrence d’un dixième dans cette parcelle cadastrée XXX

* sur le bien fondé de la demande de démolition

Chacun des ayants droit peut user de la totalité du patecq comme une chose lui appartenant sous la double condition cependant de l’utiliser selon sa destination et de ne pas porter atteinte au droit égal et réciproque des autres communistes. En application de ces principes, il ne peut être fait aucune construction ni aucun ouvrage sans l’accord unanime des autres communistes et la sanction de la transgression de cette interdiction est la démolition.

Il résulte de procès-verbaux de constat dressés les 30 juin 2004, 5 octobre 2006 et 22 août 2008, des permis de construire accordés le 17 janvier 2007 et des photographies versées aux débats que Madame X a procédé à divers aménagements afin d’exploiter des gîtes ruraux en empiétant sur le patecq, et notamment en installant tout un système d’assainissement dans le sous-sol du patecq.

Faute d’avoir obtenu l’autorisation des autres ayants droit, Madame X ne saurait utilement s’opposer à la demande de démolition au motif qu’elle a obtenu des autorisations administratives, et l’autorisation d’exploiter des gîtes, de telles autorisations toujours délivrées sous réserve du droit des tiers ne l’autorisant pas à méconnaître les règles de droit privé relatives à l’indivision forcée.

En conséquence, en l’absence de toute observation spécifique sur les empiétements réalisés, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné sous astreinte Madame X à supprimer les différents ouvrages et aménagements réalisés sur l’emprise du patecq et a précisé qu’elle ne disposait d’aucun droit de stationnement sur la parcelle BR 75.

* sur l’action dirigée contre le notaire

Madame X et la SCI Helyan considèrent que le notaire a failli à son devoir de conseil. La première réclame paiement de 1.719.053,20 €, la seconde 751.211,32 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices économiques outre 50.000 € en réparation de leur préjudice moral.

Cette dernière demande qui ne constitue qu’un complément et un accessoire des prétentions soumises au premier juge ne saurait être considérée comme irrecevable pour être nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile.

L’acte reçu le 15 janvier 2009 par Maître A emportant vente au profit de Madame X des parcelles alors cadastrées G 342, 341, 344, 346 mentionne que le vente comprend:

2°) les droits indivis sur une parcelle de terre à usage de patecq entre tous les habitants du hameau d’Einesi situé sur le territoire de la commune de Vidauban (var) lieu-dit Einesi, le tout figurant au cadastre révisé section XXX.

Dans le compromis de vente qui avait été signé en présence et avec le concours d’un agent immobilier il était indiqué aux conditions particulières :

' Il est convenu que l’acquéreur se réserve le droit d’annuler purement et simplement les présentes s’il y avait d’autre ayants droit au patecq cadastré G 340, que les propriétaires des bâtis se trouvant à l’intérieur de ce dit patecq.'

Par courriers des 10 mars 1999 et 25 mai 1999 Madame X avait interrogé Madame G pour solliciter son accord sur certains aspects de son projet eu égard au fait que la bastide se trouvait sur un patecq.

Il ressort de ces différentes pièces qu’au jour du compromis comme au jour de la vente Madame X avait été parfaitement informée de la nature juridique de la parcelle BR 75 et des conséquences qui en découlaient et qui lui imposaient de recueillir l’accord des autres communistes pour tous travaux susceptibles d’empiéter sur cette parcelle. Si le courrier expédié par le notaire le 23 juin 2006 a pu créer une confusion en ce qu’il énonce que l’acte de partage G ne mentionne aucun droit au patecq, dans un second courrier du 12 février 2007 Maître A a informé Madame X qu’en réalité la parcelle BR 75 appartient en indivision aux propriétaires des biens cadastrés BR 76, 77, 78, 79 et 80.

En tout état de cause, Madame X savait parfaitement au jour de la vente qu’elle ne détenait que des droits indivis sur la parcelle BR 75. En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a considéré qu’il n’était nullement rapporté la preuve que le notaire avait failli à son obligation de conseil ni à celle d’assurer l’efficacité de l’acte qu’il rédigeait et a débouté Madame X et la SCI Helyan de leur appel en garantie ainsi que de toutes leurs demandes de dommages et intérêts dirigées contre le notaire.

Par voie de conséquence, les appelantes seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts réclamée au titre du préjudice moral.

* sur l’appel incident concernant les vues

Les appelantes qui n’ont pas saisi le conseiller de la mise en état d’un incident relatif à l’éventuelle irrecevabilité de l’appel incident formé par Messieurs Z et G au motif qu’il serait tardif, sont irrecevables à se prévaloir d’un tel moyen devant la cour.

Aux termes de l’article 678 du code civil on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d’aspect, ni balcons ou autres saillies sur l’héritage clos ou non clos de son voisin s’il n’y a 19 décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds sur lequel s’exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d’une servitude de passage faisant obstacle à l’édification de constructions.

Messieurs Z et G estiment que Madame X a aménagé une terrasse qui a créé une vue droite à l’intérieur de la parcelle XXX Toutefois ils ne communiquent aucune pièce probante à l’appui de leur demande. En outre, un patecq étant par nature une aire de passage aménagée au profit de tous les habitants du hameau il n’est pas interdit de créer des vues sur ledit patecq.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il les a déboutés de ce chef de demande, faute de preuve.

* sur les demandes de dommages et intérêts

Messieurs Z et Sauver réclament chacun paiement d’une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance. A l’appui de leur demande ils font notamment valoir que l’occupation du patecq ne leur a pas permis de rénover leur immeuble. Toutefois ils ne produisent aucune pièce démontrant qu’ils avaient élaboré un véritable projet de rénovation et que celui-ci a été mis en échec du fait des appelantes.

Dès lors qu’ils avaient laissé leur bien en état d’abandon jusqu’à ce jour, leur préjudice de jouissance sera suffisamment réparé par la démolition des ouvrages et aménagements ordonnée par le présent arrêt.

La discussion instaurée ne révélant aucun abus de la part de Messieurs Z et G dans l’exercice de leur droit d’agir en justice, et ce d’autant plus qu’il avait été fait droit à leur demande en première instance et qu’il y est accédé pour l’essentiel devant la cour de renvoi, Madame X et la SCI Helyan seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

* sur la demande de donner acte

Les demandes de 'donner acte’ ne créant ni droit, ni obligation à la charge ou au profit des parties et ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la demande de 'donner acte’ présentée par les appelantes s’avère sans objet.

* sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Echouant devant la cour de renvoi Madame X et la SCI Helyan seront condamnées en tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée et ne peuvent, de ce fait, prétendre au bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile. A ce titre elles seront condamnées à payer une somme de 2.500 € à Messieurs Z et G et une somme de 1.500 € à Maître A.

L’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale prévoit que lorsque les huissiers recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l’article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier et aucune disposition ne permet de transférer cette charge au débiteur.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l’arrêt de la troisième chambre civile de la cour de cassation en date du 26 novembre 2013,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Déboute Madame X et la SCI Halyan de leur demande tendant à voir dire et juger que Messieurs Z et G ne détiendraient aucun droit sur la parcelle cadastrée commune de Vidauban (Var) section XXX.

Déclare recevable mais mal fondée la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par Madame X et la SCI Helyan à l’encontre de Maître A.

Déclare sans objet la demande de 'donner acte ' présentée par Madame X et la SCI Helyan.

Déclare recevable mais mal fondé l’appel incident concernant la suppression de vues droites.

Vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute Madame X et la SCI Helyan de leur demande et les condamne in solidum à payer une somme de deux mille cinq cents euros (2.500,00 €) à Messieurs N Z et L G et une somme de mille cinq cents euros (1.500,00 €) à Maître P A.

Condamne in solidum Madame X et la SCI Helyan en tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée, et dit que ceux d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dit que ces dépens ne comprendront pas le droit proportionnel dégressif que l’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale met à la charge du créancier.

le greffier le président

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 mars 2015, n° 14/02236