Cour d'appel de Bourges, 27 octobre 2016, n° 15/01497
Chronologie de l’affaire
Commentaire • 0
Sur la décision
Référence : | CA Bourges, 27 oct. 2016, n° 15/01497 |
---|---|
Juridiction : | Cour d'appel de Bourges |
Numéro(s) : | 15/01497 |
Décision précédente : | Tribunal d'instance de Nevers, 16 septembre 2015 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
Texte intégral
SA/RP
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
LE : 27 OCTOBRE 2016
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2016
N° – Pages
Numéro d’Inscription au Répertoire
Général
: 15/01497
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d’Instance de NEVERS en date du 17
Septembre 2015
PARTIES EN CAUSE
:
I – Mme X Y
née le XXX à XXX)
XXX
XXX
Représentée et plaidant par Me Olivier LEVOIR, avocat au barreau de NEVERS
bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 18033 2015/003308 du 07/12/2015
APPELANTE
suivant déclaration du 14/10/2015
II – M. Z A
né le XXX à XXX
XXX
XXX
XXX
— Mme B A
née le XXX à XXX)
XXX
XXX
— M. C A
né le XXX à XXX
XXX Gabrielle
XXX
27 OCTOBRE 2016
N° /2
— Mme D A
née le XXX à XXX)
XXX Gabrielle
XXX
Représentés et plaidant par Me E F de la SELAS
ELEXIA ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS
timbre dématérialisé n° 1265 1822 1424 6631
INTIMÉS
27 OCTOBRE 2016
N° /3
COMPOSITION DE LA COUR
:
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le
20 Septembre 2016 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. FOULQUIER,
Président de Chambre, en présence de M. PERINETTI
Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. FOULQUIER Président de
Chambre
M. GUIRAUD Conseiller
M. PERINETTI Conseiller
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS
: Mme GUILLERAULT
***************
ARRÊT
:
CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure
civile.
**************
Exposé :
Le 13 novembre 2014, Z
A, B
G, C
A et D
DIEGO épouse A – ci-après dénommés les consorts A – ont assigné X Y devant le
tribunal d’instance de Nevers en reprochant à celle-ci un trouble anormal de voisinage sur la commune de
BILLY-CHEVANNES (58).
Par jugement rendu le 17 septembre 2015, le tribunal d’instance a :
— déclaré les consorts A recevables en leur action,
— condamné Madame Y à réaliser un dispositif de stockage étanche des purins issus de la fumière en
conformité avec les prescriptions du règlement sanitaire départemental et notamment son article 153-3 sous
astreinte de 100 par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la signification de la décision,
— c o n d a m n é M a d a m e J E U X à v e r s e r a u x c o n s o r t s D E M H l a s o m m e d e 2 0 0 0 à t i t r e d e
dommages-intérêts pour trouble anormal de voisinage ainsi que 1 000 à titre de dommages-intérêts pour
résistance abusive,
— condamné celle-ci au paiement d’une indemnité de 1 500 en application de l’article 700 du code de
procédure civile,
— rejeté toutes autres demandes, et notamment celle tendant au retrait d’inscriptions prétendument injurieuses,
— ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Madame Y a interjeté appel de ce jugement le 14 octobre 2015.
Elle demande à la cour, dans ses dernières écritures, de :
La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
Rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,
— Déclarer irrecevable l’action intentée par Monsieur C A, Madame B
A et
Madame D A,
Confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande des consorts A de faire retirer les plaques
humoristiques,
Infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et statuant à nouveau :
— Débouter les consorts A de l’ensemble de leurs demandes,
— Condamner les consorts A aux entiers dépens.
Elle fait en effet valoir que :
— Seul Z A étant propriétaire des immeubles contigus à sa propriété, l’action intentée par les trois
autres intimés est irrecevable,
— la demande de réalisation de stockage étanche des purins se heurte à l’autorité de la chose jugée par le
tribunal de grande instance de Nevers le 28 novembre 2007 puis par la cour d’appel de Bourges le 9 mai 2008,
étant rappelé qu’il était toujours loisible aux consorts A de saisir le juge de l’exécution d’une demande
de liquidation d’astreinte s’ils estimaient que les travaux prescrits par les décisions de justice n’avaient pas été
réalisés,
— le trouble anormal de voisinage n’est pas établi en l’absence de preuve d’une quelconque nuisance olfactive.
Par ailleurs l’article L 112-16 du code de la construction et de l’habitation est applicable puisque son activité
agricole préexistait à l’arrivée des consorts
A dans les lieux,
— les plaques humoristiques critiquées peuvent paraître d’un humour caustique mais elles ne sont pas
nominatives, de sorte qu’elles ne présentent aucun caractère injurieux à l’égard des intimés.
Les consorts A, intimés, concluent à titre principal à la confirmation de la décision entreprise sauf
s’agissant du rejet de leurs prétentions tendant au retrait des inscriptions injurieuses et demandent ainsi à la
cour d’ordonner à Madame Y de procéder au retrait desdites inscriptions.
Sollicitant en tout état de cause une indemnité de 3 000 en application de l’article 700 du code de procédure
civile, les consorts A rappellent que Madame Y avait déjà été condamnée le 9 mai 2009 par la
cour d’appel de Bourges à réaliser sous astreinte un dispositif de stockage étanche des purins issus de la
fumière.
Ils ajoutent que malgré cela, il résulte des différents constats que la présence du tas de fumier et l’écoulement
de lisier depuis ce dernier portent atteinte au droit de leur propriété.
Ils précisent que le tas de fumier a été retiré par l’appelante puis reconstitué au même endroit dans des
proportions plus importantes et à proximité encore plus immédiate de la limite séparative des fonds, de sorte
que l’autorité de la chose jugée ne peut être retenue en l’espèce.
Ils précisent que le tas de fumier mesure plus de 2 m de haut sur une longueur d’environ 5 à 10 m et se trouve
à environ 5 m de la limite des propriétés, ce qui n’est pas conforme au règlement sanitaire, l’huissier de justice
ayant notamment relevé dans un constat du 18 décembre 2004 la présence d’une «odeur nauséabonde».
Ils précisent que des inscriptions injurieuses ont été notées sur des panneaux situés en face de la chambre à
coucher de Z A, indiquant notamment : «si haut que l’on se place, on n’est jamais assis que sur
son cul» ainsi que «place des cons» [sic].
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 septembre 2016.
SUR QUOI :
Attendu qu’il résulte de l’acte notarié établi le 10 octobre 2001 par Maître I, notaire, que Z
A, époux J B G, a fait l’acquisition des parcelles cadastrées AC
numéros 89, 91, 92, 93 et 96 au lieu-dit «le
Bourg» sur la commune de BILLY CHEVANNES ; qu’il est par
ailleurs justifié, par la pièce complémentaire numéro 18 versée en dernier lieu aux débats, que les autres
intimés sont bien domiciliés à cette adresse, ainsi que cela résulte notamment des courriers qui leur sont
adressés s’agissant du paiement de la taxe foncière des lieux et la facturation d’ordures ménagères ; que le
moyen soutenu par Madame Y tendant à l’irrecevabilité des prétentions des consorts A pour
défaut d’intérêt à agir devra donc être écarté ;
Attendu que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus
modifier une situation antérieurement reconnue en justice ; qu’en l’espèce, s’il apparaît que la cour d’appel a,
par un arrêt du 9 mai 2008, confirmé la décision du premier juge ayant condamné Madame Y sous
astreinte à réaliser un dispositif de stockage étanche des purins en conformité avec les prescriptions du
règlement sanitaire départemental, il résulte du dossier que cette dernière a dans un premier temps retiré le tas
de fumier litigieux puis a reconstitué celui-ci au même endroit et dans des proportions plus importantes
puisque, d’une part, le maire de la commune a attesté le 12 février 2009 de la réalisation du bétonnage de l’aire
à fumier et que, d’autre part, les constats d’huissier des 7 mai 2013 et 18 juillet 2014 montrent la reconstitution
de ce tas de fumier ; qu’en conséquence, l’autorité de la chose jugée ne peut être utilement opposée par
Madame Y aux prétentions des consorts A ; que la décision entreprise sera donc confirmée sur ce
point ;
Attendu qu’il résulte des deux procès-verbaux de constat précités que l’huissier de justice a constaté
«l’existence d’un tas de fumier estimé à environ 300 m³ non évacué à ce jour et situé à une dizaine de mètres
de la terrasse de la propriété des époux
A », une «projection de lisier sur le battant droit du portail
d’entrée bois de la propriété des époux A» ; que l’huissier a par ailleurs indiqué : «je constate que cet
immense tas de fumier est situé immédiatement à proximité du portail permettant l’accès de la
propriété du requérant, mais aussi immédiatement à proximité de leur chemin d’accès, de la majeure partie de
leur jardin, de leur terrasse et de leur maison
d’habitation. En effet, loin d’être situé à l’extrémité du commencement de leur propriété, ce très important
dépôt de fumier est situé au niveau de la partie médiane de leur terrain et dans la zone la plus proche et la
plus centrale relativement au passage que les requérants doivent effectuer pour aller et venir dans leur
propriété ainsi qu’à l’extérieur de celle-ci, mais aussi et surtout à quelques mètres seulement de leur principal
lieu de vie et de leur habitation (') J’estime que la hauteur du tas de fumier est à proximité de cette limite de
plus de 2 m de hauteur et d’une longueur d’environ 5 à 10 m ; les proportions de ce tas de fumier sont très
conséquentes ; j’estime alors que le début du tas de fumier est situé à environ 5 m de la limite séparative des
deux fonds, en tout état de cause à une très grande proximité» ;
Qu’il résulte de ces éléments – corroborés par les photographies annexées au constat – que le stockage
volontaire par Madame Y d’un tas de fumier très important à proximité immédiate du lieu de vie des
consorts A constitue nécessairement, par les odeurs émanant de celui-ci, un trouble excédant les
inconvénients normaux du voisinage ; qu’il sera remarqué à cet égard que Madame Y ne peut utilement
invoquer à son profit les dispositions de l’article L 112 – 16 du code de la construction et de l’habitation alors
même qu’au vu de la configuration des lieux la réalisation d’un tas de fumier à proximité immédiate de la
propriété des consorts A, et non pas en retrait de celle-ci, procède, non pas d’une nécessité inhérente à
son exploitation agricole mais manifestement d’un choix délibéré de sa part ;
Qu’il y aura donc lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a retenu l’existence d’un trouble
anormal de voisinage, fixé à la somme de 2 000 les dommages-intérêts dus à ce titre aux consorts
A
et condamné Madame Y à réaliser un dispositif de stockage étanche des purins issus de la fumière en
conformité avec les prescriptions du règlement sanitaire départemental et notamment son article 153-3 sous
astreinte de 100 par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la signification de la décision ; que le
jugement querellé sera également confirmé s’agissant de l’octroi d’une indemnité de 1 000 à titre de
dommages-intérêts pour résistance abusive puisqu’il apparaît manifeste que Madame Y, en dépit des
décisions de justice déjà intervenues, a volontairement de nouveau créé une situation portant préjudice à ses
voisins ;
Attendu qu’il résulte du procès-verbal de constat en date du 18 juillet 2014 que deux plaques métalliques ont
été posées respectivement sur un volet et sur une porte de bâtiment appartenant à Madame Y et contenant
les mentions suivantes : «si haut que l’on se place, on n’est jamais assis que sur son cul» ainsi que «place des
cons» [sic] ; qu’aucun élément du dossier ne permet cependant d’établir que de telles inscriptions auraient été
apposées à destination des consorts A et ne relèveraient pas plutôt d’un humour – douteux – de Mme
Y ; que la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la prétention tendant au retrait
desdites inscriptions ;
Que l’équité commandera, par ailleurs, d’allouer aux consorts A une indemnité de 2 000 au titre des
frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer en cause d’appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
— Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 septembre 2015 par le tribunal d’instance
de Nevers ;
Y ajoutant,
— Condamne Madame Y à verser aux consorts A une indemnité de 2 000 en application
des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’arrêt a été signé par M. FOULQUIER,
Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel la
minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. GUILLERAULT Y. FOULQUIER
Textes cités dans la décision